LES JUGES DU TRIBUNAL
COMPOSITION, DISCIPLINE ET DÉONTOLOGIE

Il résulte des dispositions de l’article L. 721-1 du code de commerce qu’un tribunal de commerce est composé de juges élus (président, vice-président, le cas échéant présidents de chambre, juges) et d’un greffier.

 

Les juges sont élus pour deux ans lors de leur première élection et pour quatre ans lors des élections suivantes (art. L. 722-6). Ils peuvent désormais effectuer cinq mandats au sein de la même juridiction tant qu’ils ne sont pas atteints par la limite d’âge portée à soixante-quinze ans (art. L. 723-7).

 

Le président du tribunal est élu pour quatre ans au scrutin secret par les juges du tribunal réunis en assemblée générale (art. L. 722-11). Il est choisi parmi les juges ayant exercé des fonctions dans un tribunal de commerce pendant six ans au moins mais lorsqu’aucun des candidats ne remplit cette condition d’ancienneté, le premier président de la cour d’appel peut décider que l’ancienneté requise ne sera pas exigée (art. L. 722-13).

 

Le vice-président et les présidents de chambres sont désignés par ordonnance du président du tribunal parmi les juges ayant exercé des fonctions dans un tribunal de commerce pendant trois ans au moins. En ce qui concerne les présidents de chambre, le président prend l’avis de l’assemblée générale du tribunal.

 

Les jugements des tribunaux de commerce doivent être rendus par un nombre impair de juges (trois juges au moins). Le nombre à retenir est celui des juges qui en ont délibéré, ils doivent être les mêmes que ceux qui ont assisté aux débats.

 

Pour présider une formation de jugement, il faut avoir exercé des fonctions judiciaires pendant trois ans au moins (art. L. 722-3 du même code).

 

En outre, lorsque le tribunal statue en matière de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires, de rétablissement professionnel, de règlement judiciaire et de liquidation de biens, le tribunal doit être composé d’une majorité de juges ayant exercé des fonctions judiciaires pendant plus de deux ans (art. L. 722-2).

 

Que se passe-t-il lorsque le tribunal ne peut se constituer ou statuer ?

S’il ne s’agit que de conditions d’ancienneté qui ne sont pas remplies, le premier président de la cour d’appel, saisi par requête du procureur général, peut accorder une dispense en décidant que l’ancienneté requise ne sera pas exigée (art. L. 722-15).

La discipline des membres des tribunaux de commerce est évoquée par les articles L. 724-1 et suivants du code de commerce : “Tout manquement d’un juge d’un tribunal de commerce aux devoirs de son état, à l’honneur, à la probité, à la dignité constitue une faute disciplinaire.” La loi institue une commission nationale de discipline composée de hauts magistrats (art. L. 724-2 du code de commerce).

 

Les sanctions disciplinaires applicables aux juges des tribunaux de commerce sont le blâme, l’interdiction d’être désigné dans des fonctions de juge unique pendant une durée maximale de cinq ans, la déchéance assortie de l’inéligibilité pour une durée maximale de dix ans, la déchéance assortie de l’inéligibilité définitive (art. L. 724-3-1 du code de commerce).

 

La cessation des fonctions pour quelque cause que ce soit ne fait pas obstacle à l’engagement de poursuites et au prononcé de sanctions disciplinaires (art. L. 724-3-2 du code de commerce). Dans ce cas, les sanctions disciplinaires applicables sont le retrait de l’honorariat, l’inéligibilité pour une durée maximale de dix ans, l’inéligibilité définitive.

 

Tout justiciable, qui estime qu’à l’occasion d’une procédure judiciaire le concernant le comportement adopté par un juge d’un tribunal de commerce dans l’exercice de ses fonctions est susceptible de recevoir une qualification disciplinaire, peut saisir la commission nationale de discipline des juges des tribunaux de commerce (art. L. 724-3-3 du code de commerce).

Exercice de leurs fonctions par les juges consulaires

Il résulte des dispositions de l’article L. 722-18 du code de commerce que les juges des tribunaux de commerce exercent leurs fonctions en toute indépendance, dignité, impartialité, intégrité et probité et se comportent de façon à prévenir tout doute légitime à cet égard.

 

Ce même texte interdit aux juges toute manifestation d’hostilité au principe ou à la forme du gouvernement de la République, de même que toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions. Télécharger le recueil de déontologie des juges consulaires.

 

Prévention et cessation des situations de conflit d’intérêts

L’article L. 722-20 du code de commerce impose aux juges des tribunaux de commerce de veiller à prévenir ou à faire cesser immédiatement les situations de conflit d’intérêts.

 

Ces situations sont définies comme toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction.

 

Déclaration d’intérêts

En application des dispositions de l’article L. 722-21 du code de commerce, les juges des tribunaux de commerce doivent remettre, dans un délai de deux mois à compter de leur prise de fonction, une déclaration exhaustive, exacte et sincère de leurs intérêts :

 

  • Au président du tribunal, pour les juges des tribunaux de commerce ;
  • Au premier président de la cour d’appel, pour les présidents des tribunaux de commerce du ressort de cette cour.

 

La déclaration d’intérêts mentionne les liens et les intérêts détenus de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif des fonctions que le déclarant a ou qu’il a eus pendant les cinq années précédant sa prise de fonctions.

 

La remise de la déclaration d’intérêts donne lieu à un entretien déontologique du juge avec l’autorité à laquelle la déclaration a été remise, ayant pour objet de prévenir tout éventuel conflit d’intérêts. L’entretien peut être renouvelé à tout moment à la demande du juge ou de l’autorité. À l’issue de l’entretien, la déclaration peut être modifiée par le déclarant.

 

Toute modification substantielle des liens et des intérêts détenus fait l’objet, dans un délai de deux mois, d’une déclaration complémentaire dans les mêmes formes et peut donner lieu à un entretien déontologique.

 

La déclaration d’intérêts ne peut pas être communiquée aux tiers sauf lorsque qu’une procédure disciplinaire est engagée.

L’absence de déclaration par le juge ou l’omission de déclarer certains intérêts est réprimée d’une amende de 45.000 € et de trois ans d’emprisonnement (art. L. 722-21, II).

 

Protection des juges consulaires

L’article L. 722-19 du code précité protège les juges des tribunaux de commerce contre les menaces et attaques, de quelque nature que ce soit, dont ils peuvent faire l’objet dans l’exercice ou à l’occasion de leurs fonctions. Ce texte impose à l’État de réparer le préjudice direct qui en résulte.

Électorat

Le collège des électeurs appelé à élire des juges d’un tribunal de commerce est composé (art. L. 723-1 du code de commerce) :

 

  • Des membres élus des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat dans le ressort de la juridiction, dans des conditions fixées par les articles R. 723-1 et R. 723-2 du code de commerce,
  • Des juges du tribunal de commerce ainsi que des anciens membres du tribunal (s’ils y ont exercé des fonctions pendant au moins 6 ans).

 

La liste électorale est établie, tous les 5 ans, par une commission (dite CELE) présidée par le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés et comprenant un juge désigné par le président (après avis de l’assemblée générale), un représentant du préfet et le ou les présidents des chambres de commerce et d’industrie concernées ou un membre désigné par eux et le ou les présidents des chambres de métiers et de l’artisanat concernées ou un membre désigné par eux (L. 723-3 et R. 723-1).

 

Le secrétariat de la commission est assuré par le greffier.

 

Ne pas confondre cette commission avec la commission d’établissement des listes pour les élections des membres des chambres de commerce et d’industrie territoriales et régionales (articles L. 713-14 et R. 713-70) qui est, elle, composée du juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés, d’un représentant du préfet et d’un membre de la chambre de commerce et d’industrie et dont le secrétariat est assuré conjointement par le greffier et le directeur général de la CCI ou son représentant.

 

La commission procède aux opérations d’inscription et de radiation des électeurs sur la liste. Elle arrête (c’est-à-dire révise) la liste électorale au plus tard le 15 juillet de chaque année. Une copie est transmise au préfet.

 

Cette liste arrêtée est affichée au greffe du tribunal jusqu’au jour du scrutin.

 

Éligibilité

Pour être éligible aux fonctions de membre d’un tribunal de commerce, il faut remplir les conditions suivantes (art. L. 723-4) :

 

  • Être âgé de trente ans au moins,
  • Être de nationalité française,
  • Être inscrit sur les listes électorales des chambres de commerce et des chambres de métiers et de l’artisanat,
  • Ne pas avoir été condamné pénalement pour des agissements contraires à l’honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs,
  • Ne pas faire, à titre personnel ou par l’intermédiaire d’une société à laquelle le candidat, l’objet d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire en cours au jour du scrutin,
  • Justifier soit d’une immatriculation pendant cinq années au moins au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, soit de l’exercice, pendant une durée totale cumulée de cinq ans, de l’une des qualités énumérées au I de l’article L. 713-3 (dirigeant d’une société elle-même électrice) ou de l’une des professions énumérées au d du 1° du II de l’article L. 713-1 (capitaines de la marine marchande, pilotes maritimes, pilotes de l’aéronautique civile).

 

Sont également éligibles, sous les mêmes conditions, exceptée celle de l’inscription sur les listes électorales des CCI et des CMA dressées dans le ressort du tribunal de commerce ou dans le ressort des tribunaux de commerce limitrophes :

 

  • Les membres en exercice des tribunaux de commerce ainsi que les anciens membres de ces tribunaux ayant exercé les fonctions de juge de tribunal de commerce pendant au moins six années et n’ayant pas été réputés démissionnaires. Lorsque ces personnes se portent candidates dans un tribunal non limitrophe de celui dans lequel elles ont été élues, elles doivent être domiciliées ou disposer d’une résidence dans le ressort du tribunal où elles candidatent ou dans le ressort des tribunaux limitrophes.
  • Les cadres qui exercent des fonctions impliquant des responsabilités de direction commerciale, technique ou administrative au sein des entreprises ou des établissements inscrits au répertoire des métiers ou mentionnés au II de l’article L. 713-1 situés dans le ressort du tribunal de commerce ou dans le ressort des tribunaux limitrophes. Les candidats doivent être employés dans l’un de ces ressorts.

 

Il faut, pour être complet, signaler des cas d’inéligibilité :

 

  • Une personne n’est pas éligible si elle a fait l’objet de sanctions prévues au titre V du livre VI du code de commerce (insuffisance d’actif, faillite personnelle, banqueroute et interdiction de gérer), si elle est frappée d’une peine d’interdiction évoquée à l’article 131-27 du code pénal ou de celle d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale, ou d’une peine prononcée en application de législations étrangères équivalentes ;
  • Une personne élue pour cinq mandats dans un même tribunal de commerce n’est plus éligible dans ce tribunal.

La loi du 22 mars 2012 a institué la possibilité pour le tribunal compétent de prononcer la privation du droit de vote et d’éligibilité aux élections des tribunaux de commerce, pendant un temps qui n’excède pas cinq ans, à l’encontre de la personne qui donne de mauvaise foi des indications inexactes ou incomplètes à l’occasion d’une formalité au registre du commerce et des sociétés (art. L. 123-5 al. 2 du code de commerce).

 

Opérations électorales et entrée en fonction

L’élection des juges a lieu tous les ans dans la première quinzaine du mois d’octobre dans chaque tribunal où il y a des sièges à pourvoir (articles L. 723 -11 et R. 723-5).

 

Les candidatures sont déposées à la préfecture vingt jours au moins avant la date de dépouillement du premier tour de scrutin de l’élection.

Le scrutin est plurinominal majoritaire à deux tours. Pour être élus au premier tour, les candidats doivent obtenir un nombre de voix au moins égal à la majorité des suffrages exprimés et au quart des électeurs inscrits (art. L.723-10).

 

Si, à l’issue du premier tour, il reste des sièges à pourvoir, un second tour est organisé quatre jours au moins après la date du premier tour.

 

L’élection est alors acquise à la majorité relative sans condition de quorum.

 

Une commission (dite COE), composée d’un représentant du préfet et de deux magistrats de l’ordre judiciaire désignés par le premier président de la cour d’appel, est chargée de veiller à la régularité du scrutin et de proclamer les résultats. Elle communique, par l’intermédiaire de son secrétaire, les résultats au garde des sceaux, ministre de la justice (le secrétariat de la commission étant assuré par le greffier du tribunal de commerce).

 

Le droit de vote est exercé par correspondance (aucun arrêté d’application n’ayant été pris relativement au vote électronique, cette modalité de vote n’est pas mise en place en pratique).

 

Les contestations sur l’élection sont de la compétence du tribunal judiciaire.

 

Lorsqu’ils sont élus pour la première fois, les nouveaux juges doivent prêter serment devant la cour d’appel lorsque le tribunal est établi au siège de la cour d’appel ou devant le tribunal judiciaire dans les autres cas (art. L. 722-7).

Les juges élus ou réélus sont installés dans leurs fonctions lors de l’audience solennelle du tribunal de commerce.